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traire et très-arbitraire ; mais c’est moi qui l’ai dicté par un excès de zèle, à un de mes aides de camp en l’absence de mon secrétaire. Mais, citoyen agent, je n’ai pu être trompé, puisque c’est moi qui ai dicté cet ordre, et le reproche ne peut porter que sur moi seul. C’est m’insulter gravement que de croire que je signe soit ordres, soit lettres, sans les lire ou les dicter. C’est vouloir me persuader que j’ai une grande faiblesse dans le caractère, et je ne puis me reconnaître sous de pareils traits. Car j’ai l’honneur de vous le répéter, je ne signe rien que je ne l’aie lu ou dicté moi-même. Je puis manquer par la forme, ou par distraction, mais mon intention est bien prononcée.

C’était le 18 août ; on négociait depuis quelques semaines avec Maitland pour l’évacuation de Jérémie et du Môle, et l’agent ne voulait pas brusquer un général dont il avait tant besoin en ce moment. Sa réponse fut des plus conciliantes ; il s’efforça de persuader à T. Louverture qu’il n’avait pas eu intention de l’offenser : « Quel est l’homme public, lui dit-il, qui, ne pouvant tout voir par ses propres yeux, peut se flatter de n’être pas souvent trompé ? Au surplus, général, jamais je n’aurai l’intention de vous insulter gravement. Cela ne conviendrait ni à la place que j’occupe, ni à mon caractère particulier. »

Enfant gâté de Laveaux et de Sonthonax, T. Louverture n’avait pas seulement des caprices ; il sentait sa force réelle ; et lorsqu’une autorité supérieure est réduite à jouer un tel rôle envers celui qui lui est subordonné, on prévoit ce qui doit arriver un jour.


Le parlementaire annoncé par Maitland à la fin de juillet n’avait pas tardé à arriver au Port-au-Prince. C’était