Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/533

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« Rigaud, accueilli avec la plus grande cordialité par Hédouville, a des entretiens secrets avec lui. T. Louverture s’en montre inquiet. Il réitère au général de couleur les conseils qu’il lui avait donnés et lui propose de nouveau de se détacher de la France. Rigaud s’en montre indigné ; il obtient une entrevue d’Hédouville. Pendant cet entretien, Hédouville fait appeler T. Louverture qui ignorait que son rival fût dans ce moment au palais national. Le général en chef est introduit, en attendant que l’agent du Directoire vienne le recevoir, dans un salon qui n’était séparé que par une cloison de celui où se trouvait Rigaud. Il entend le général de couleur déclarer à Hédouville, qu’il lui avait proposé de se rendre indépendant de la France. Rigaud se retire, et T. Louverture voit aussitôt l’agent se présenter devant lui avec une physionomie courroucée qui le déconcerte. T. Louverture se trouvait au pouvoir d’Hédouville ; il pouvait être enlevé et jeté à bord d’un des bâtimens de la rade ; il lui dit qu’il n’avait tenu ce langage à Rigaud, qu’afîn de sonder ses intentions[1]. »

Ces traditions, que M. Madiou rapporte, d’après le témoignage de vieux Haïtiens, qui auraient été employés dans le palais qu’habitait Hédouville au Cap, ne méritent pas plus de créance que le prétendu monologue fourni par le créole de Pamphile de Lacroix : elles sont invraisemblables, absurdes. Ces vieux Haïtiens ne pouvaient être que dans une condition obscure, servile ; et dès-lors comment auraient-ils pu savoir de telles choses, passées

  1. Histoire d’Haïti, t. 1er, p. 317 et 318. Dans son Voyage dans le Nord d’Haïti, M. Hérard Dumesle parle aussi de ces traditions populaires ; mais il le fait avec cette réserve que l’historien doit toujours mettre lorsqu’il relate des faits dont il n’est pas sûr. Nous sommes heureux de dire ici que nous nous trouvons d’accord avec cet écrivain national sur bien des points de notre histoire. Il est fâcheux que son ouvrage soit si rare dans notre pays.