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Brulley et consorts étaient parvenus à faire suspendre les décrets des 5 et 6 mars 1793, qui donnaient une grande latitude de pouvoir à Polvérel, Sonthonax et Delpech. Ces deux colons s’étaient fait recevoir au club des Jacobins, pour emprunter les couleurs de l’époque ; après la mort de Louis XVI, ils avaient vociféré contre cet infortuné, en feignant d’être alors les plus chauds patriotes. D’une capacité incontestable, revêtus du titre de commissaires de l’assemblée coloniale qui les avait envoyés en France auprès du roi, en 1792, quoique cette assemblée eût été dissoute par les commissaires civils, ils étaient parvenus à se maintenir dans cette position, au moyen du patriotisme exalté qu’ils affichaient auprès de tous les hommes influens de la convention et de ses comités. Ils faisaient de nombreux écrits, des pamphlets, dans l’intérêt de la cause coloniale. Quand les déportés du Cap arrivèrent en France, ils se les adjoignirent pour exciter l’opinion contre les commissaires civils. Ils entrèrent avec les déportés ou autres réfugiés aux États-Unis, dans une correspondance suivie, pour être au courant de ce qui se passait à Saint-Domingue. Page et Brulley devinrent enfin les coryphées de cette faction criminelle, en France.

Ils réussirent ainsi à changer les dispositions de la convention nationale, relativement à Saint-Domingue, précisément au moment où l’orage se formait dans son sein contre Brissot et les Girondins. Ces défenseurs des noirs et des hommes de couleur ayant été arrêtés le 31 mai 1793, les colons eurent plus de facilité pour inspirer leurs préventions, sinon leur haine, contre ceux que protégaient ces illustres victimes.

Dès l’arrivée de Blanchelande en France, ils se mirent à sa poursuite : sa mort fut leur premier triomphe. Ils