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habitans des colonies indistinctement cette liberté qu’on n’avait pu leur ravir que par la violence et par la force, c’est en faire non-seulement des hommes libres, mais encore des citoyens.  »

Enfin, les commissaires à nommer par le Directoire exécutif (créé déjà dans le corps de la constitution inachevée) pourront suspendre, destituer et remplacer les fonctionnaires publics dans la colonie où ils sont envoyés.

Certes, on ne pouvait pas confier à un homme plus honorable que Boissy-d’Anglas, un tel rapport sur l’organisation des colonies. On voit comment le sentiment de la justice domine dans cet acte. Mais il en ressort encore, comme du rapport précédent, que le parti colonial cherchait à égarer la convention nationale pour modifier l’abolition de l’esclavage, sinon rétablir entièrement ce fait monstrueux[1].

Si le rapporteur parle de l’impossibilité, pour le peuple des Antilles, de résister aux entreprises de ceux qui tenteraient de le subjuguer, c’est qu’en 1795, à Saint-Domingue, par exemple, les Anglais paraissaient assez fortement assis pour qu’on doutât en France, si l’on réussirait à les en chasser. Mais le temps a prouvé que le peuple de ce pays, essentiellement agricole et guerrier, pouvait conserver son indépendance. Il est curieux néanmoins de reconnaître comment le rapporteur prévoit, que quelque brigand audacieux réussirait, sous le nom de liberté, à préparer des chaînes à ce peuple. Quand nous serons à l’année 1800, nous examinerons si cette prévision s’est réalisée. Il n’est pas

  1. Gouly, député de l’île de France à la convention, publia une opinion après ce rapport de Boissy-d’Anglas, avec l’autorisation de la convention ; rien n’est plus favorable au rétablissement de l’esclavage. Il concluait à attendre la paix pour régler le sort des colonies.