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probablement depuis longtemps, la conviction que T. Louverture est un homme usé, qu’il n’est plus le drapeau de ses frères.

Le même jour, 20 avril, Vilton adressa une nouvelle lettre à Christophe, en lui renouvelant l’assurance qu’il serait bien accueilli, bien traité par Leclerc ; il lui disait qu’il avait communiqué sa réponse à ce dernier et au général Hardy. Hardy lui écrivit aussi ce jour-là, et lui dit : « qu’après avoir combattu pendant douze ans pour la liberté, les Français ne seraient pas assez vils, à leurs propres yeux, pour ternir leur gloire en rétablissant l’esclavage.  » Il finissait sa lettre en proposant un rendez-vous à Christophe sur l’habitation Vaudreuil, près du Haut-du-Cap.

Christophe envoya ces lettres en communication à T. Louverture qui l’autorisa à avoir cette entrevue, en lui recommandant d’être très-circonspect [1]. Le colonel Barada, qui était auprès de Christophe, le voyant disposé à traiter de sa soumission, séparément de celle de l’ex-gouverneur, et voulant sans doute ménager à celui-ci des conditions honorables, lui avait fait tout savoir en l’engageant à mander son général près de lui[2]. Mais T. Louverture lui-même désirait en finir : ce fut le motif de son autorisation pour l’entrevue.

Le 22 avril, Christophe répondit à Hardy, qu’il ne pouvait consentir à s’y rendre, parce que le général Leclerc excitait sa défiance, par la proposition qu’il lui avait faite de livrer T. Louverture : ce qui, du reste, eût été une

  1. Mémoire au Premier Consul.
  2. Barada était Français ; il servait dans la colonie depuis longtemps, et il avait apprécié les services rendus à la France et à ses colons par T. Louverture : de là son attachement à celui-ci. Nous le verrons maltraité à Brest, où il fut déporté.