Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/275

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De retour au Port-au-Prince, il envoya Lamartinière avec la 3e contre Lamour Dérance. Celui-ci ayant échappé aux poursuites dirigées contre lui, Lamartinière revint enville et fut de nouveau expédié avec son corps à l’Arcahaie, pour combattre Destrade qui menaçait ce bourg. C’est dans cette campagne que ce brave officier prouva une mort obscure, en poursuivant des hommes qu’il affectionnait au fond du cœur, en servant un gouvernement qu’il haïssait : séparé de sa troupe dans les montagnes de l’Arcahaie, il eut la tête tranchée de la main de Jean-Charles Courjolles, l’un des lieutenans de Destrade.

Il paraît que Lamartinière avait reçu avis de Dessalines, pour s’insurger au moment où il prendrait les armes lui-même : trop fidèle à sa parole donnée, d’attendre le mouvement de ce général, il se vit contraint d’agir d’après les ordres qu’il recevait de Rochambeau. Il manqua de tact néanmoins ; car il aurait dû envoyer un émissaire auprès de Destrade, pour l’avertir de ses intentions, l’engager à ne pas résister sérieusement, à éviter sa troupe pour couvrir sa responsabilité, jusqu’au moment où ils auraient pu se joindre dans un but commun. Une pareille conduite eût été légitime en considération de la férocité que montrait Rochambeau ; elle eût conservé pour la guerre de l’indépendance, l’un des plus courageux officiers de cette époque.

Quand on se rappellera valeur qu’il montra dans la défense de la Crête-à-Pierrot et dans l’évacuation de ce fort, on ne peut refuser des larmes à la mémoire de ce jeune héros qui périt misérablement, après avoir bravé les efforts de toute l’armée française. N’est-ce pas une cruelle ironie de la part du Destin, que de protéger la vie de tels