Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/300

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prenant seulement un obusier et deux pièces de campagne : artilleur, il savait l’avantage qu’il pouvait tirer de ces bouches à feu. Il fit défiler ses troupes pour se rendre au Morne-Rouge, ce canton de la paroisse de l’Acul, qui fut le foyer de la conjuration de Boukman, en 1791. Dans la journée du 14 octobre, il se porta sur l’habitation D’Héricourt, dépendante de celle de Noé, située dans la paroisse de la Plaine-du-Nord.

C’était là que T. Louverture avait pris la résolution de résister à l’armée française, en recevant l’étrange lettre de Rochambeau qui lui apprenait qu’il avait passé au fit de l’épée les soldats de la garnison du Fort-Liberté : là, il lui avait répondu aussi : « Je combattrai jusqu’à la mort pour venger celle de ces braves soldats. » N’est-ce pas une singularité remarquable, que les circonstances y amenèrent Pétion pour le porter aux mêmes résolutions ? Car son dessein primitif était alors de se rendre de-là dans l’Artibonite, afin de rejoindre Dessalines qui avait dû se prononcer déjà, et d’agir de concert avec lui.

Mais, aussitôt son arrivée à D’Héricourt, Petit-Noël Prieur y vint avec ses bandes de Congos, sortant des montagnes du voisinage. Furieux de la guerre que les troupes coloniales leur avaient faite, il les apostropha en leur reprochant le concours qu’elles avaient prêté aux Français. À son point de vue, il avait raison de s’en plaindre. Il fallut toute l’énergie de Pétion et l’attitude martiale de la 10e et de la 13e pour en imposer à ces barbares. Mais Pétion les rassura néanmoins, en leur disant que désormais leur cause était une et indivisible ; et pour leur en donner la preuve, il proposa à Petit-Noël de se joindre à lui et Clervaux afin de marcher contre le Cap. C’était le moyen le plus efficace de l’endoctriner ; il fut