Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/312

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Cependant, Leclerc, soit de sa propre initiative, soit par les conseils des colons, prit une mesure dont il espérait quelque fruit. Sachant la haine que les premiers insurgés portaient à Christophe et aux autres chefs de l’armée coloniale qui les avaient récemment combattus, que chacun de ces chefs de bandes prétendait à diriger les choses à l’africaine, il crut qu’il parviendrait à semer la division entre les rebelles et les traîtres, et entre les rebelles eux-mêmes. Les rebelles étaient les premiers insurgés, les traîtres étaient Pétion, Clervaux, Christophe et les troupes qui leur obéissaient. Comptant sur la simplicité des premiers, il publia un acte en vertu duquel il garantissait la liberté à tous les noirs émancipés déjà en 1793 et 1794, et qui se réuniraient aux Français pour combattre l’insurrection. Afin de seconder la mesure, des colons offrirent à des noirs qui leur avaient jadis appartenu, et leur firent passer gratuitement des actes notariés, par lesquels ils leur donnaient la liberté.

Mais c’était déclarer implicitement, que l’intention du gouvernement de la métropole avait été et était encore de rétablir l’esclavage, puisque les actes des anciens commissaires civils et le décret de la convention nationale ne suffisaient pas pour garantir la liberté des noirs. Leclerc sanctionna les quelques actes notariés qui furent passés, en promettant à ces prétendus nouveaux libres de leur donner à chacun, au rétablissement de l’ordre, quatre carreaux de terre en propriété. C’était une vraie folie, qui ne peut s’expliquer que par les embarras de sa position. Les noirs ne furent pas si fous pour compter sur l’efficacité de tels actes : ils continuèrent à guerroyer.

La promesse captieuse que fit le général Leclerc, relativement à la délivrance des concessions de terre aux