Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très. Mais il fallait aussi une volonté de fer, pour ainsi parler, afin de réussir dans cette œuvre, et Dessalines seul pouvait l’avoir.

« La terreur qu’avait inspirée le nom français, dit à ce sujet B. Tonnerre, régnait encore dans les campagnes ; les anciens soldats et les cultivateurs ne sortaient pas encore de leurs retraites ; Dessalines avait peu de munitions. Il prend la résolution la plus patriotique, ne balance pas entre le salut public et la mort de quelques lâches. Il ordonne que de nombreuses patrouilles parcourent la plaine et les mornes pour y rassembler les hommes en état de porter les armes, fait faire feu sur tous ceux qui refusent de marcher, et parvient, en moins de huit jours, à former quatre demi-brigades qu’il exerce tous les jours au maniement des armes. »

Que l’on s’imagine ce que durent produire de pareils moyens, avec les antécédens connus de l’homme qui les ordonnait !

Les 4e, 7e et 8e coloniales furent ainsi réorganisées ; la 14e demi-brigade créée[1], ainsi qu’un corps spécial, devenu plus tard la 20e demi-brigade, qui fut nommé les polonais, parce qu’il entra dans sa formation beaucoup de vrais africains qui parlaient le langage créole le plus grossier, et par allusion aux Polonais venus avec l’armée française, dont les indigènes ne pouvaient comprendre le langage : idée bizarre qui caractérise bien l’esprit de Dessalines, mais qui fut cause en grande partie que les Polonais restés dans le pays furent préservés du massacre de 1804 et reconnus Haïtiens. Il avait un autre motif : tout récemment, dans l’assassinat des soldats de la 12e à

  1. Sous T. Louverture, la 13e demi-brigade fut le dernier corps créé après la guerre civile du Sud.