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dégoûter les officiers blancs venus d’Europe, afin de travailler plus sûrement le pays en finances ; » et maintenant, il faisait lui-même ce qu’il leur reprochait.

Aussi, le général Desbureaux, qui se montra si humain, si honnête homme aux Cayes, dégoûté de ce qu’il voyait, demanda-t-il à partir pour la France : il agit comme le général Devaux, qui ne put supporter au Port-au-Prince ce qui se passait sous ses yeux.

Aussi, a-t-on prétendu que l’intègre préfet Daure, ordonnateur en même temps, écrivit à son tour au ministre de la marine, pour lui prédire la perte de Saint-Domingue.

Mais les colons pensèrent autrement que ces hommes honorables : aussitôt la prise du Fort-Liberté, ils écrivirent à ceux de Paris, pour les porter à obtenir du Premier Consul de maintenir Rochambeau. Voici un extrait de leur adresse, trouvée en 1804, dans les minutes du notaire Cyr-Prévost, au Port-au-Prince :

Messieurs et chers concitoyens,

Lorsque la France, comblant enfin nos vœux les plus chers, envoya à Saint-Domingue ses vaisseaux et ses soldats, pour reconquérir cette infortunée colonie, elle était loin de croire qu’il fût possible que le succès le plus éclatant ne couronnât pas cette entreprise. Vous aurez cependant appris dans quel excès de calamités et de désolation nous nous sommes encore vus successivement entraînés. Notre position a été telle, que nous avons pu craindre l’évacuation et un nouvel abandon de la part de la France.

C’est dans ces circonstances affreuses que la mort du capitaine-général Leclerc a mis les rênes du gouvernement de Saint-Domingue entre les mains du général Rochambeau.

Dès ce moment, la confiance renaît, les colons se regardent comme sauvés. Il semble que chacun d’eux vient de renouer un nouveau pacte dans son cœur avec la mère-patrie. Saint-Marc, place impor-