Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/358

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avait espéré de la part de ses joyeux convives un acte de convenance, et ils ne le comprenaient pas. Le lambi se fit entendre de nouveau, on se réunit autour de l’organisateur : « Mais, dit-il, j’ai formé des régimens, j’ai nommé des colonels, que suis-je donc moi-même ? — Vous êtes général, répondit une voix dans la foule. — Eh bien ! criez donc : Vive le général Cangé ! » Et les insurgés de crier selon ses désirs.

Chacun était satisfait, depuis le général jusqu’au dernier soldat ; mais Beauséjour avait été oublié : les absens ont tort. Dans son dépit, il prit la résolution de ne plus se mêler de rien et se confina dans les mornes. Peu de jours après cette scène militaire où Cangé joua si bien son rôle, Lamour Dérance vint dans la plaine de Léogane : il le confirma dans le grade qu’il s’était fait donner par les insurgés. Il paraît cependant que ce général en chef n’avait pas été bien satisfait de cette promotion faite en dehors de ses attributions ; mais Cangé était trop fin pour ne passe faire pardonner cette licence : il se rendit nécessaire et devint le conseiller de Lamour Dérange[1]. En retournant du côté de Jacmel d’où il était venu, il ordonna à Cangé d’attaquer Léogane. Lamour Dérance voulait enlever Jacmel : le 10 décembre, il y donna un assaut, mais ses bandes, que dirigeaient Magloire Ambroise, Lacroix et Macaque, furent repoussées, malgré le courage qu’elles montrèrent dans cette affaire.

Cangé contraignit les Français à se renfermer dans la place de Léogane qu’il bloqua. Mais, au lieu de poursuivre

  1. Boisrond Tonnerre dit de Cangé : « Il est peu d’hommes qui se fussent tirés aussi heureusement d’une position aussi critique que l’était la sienne ; et il lui a fallu la politique la plus adroite pour ne donner aucune prise sur lui de la part d’un homme aussi soupçonneux que Lamour Dérance. »