Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/399

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les y engloutir. Un nommé Chevalier allait être pendu ainsi avec sa femme ; il montra de la faiblesse à la vue du supplice : cette femme releva son courage en se passant elle-même la corde au cou et lui disant : « N’es-tu pas heureux de mourir pour la cause de la liberté ? » Une autre femme noire, voyant ses deux jeunes filles tremblantes de peur, leur adressa ces paroles éloquentes, où l’énergie du courage ne le cédait en rien à la tendresse maternelle : « Mes enfans, la mort vous dispensera de porter des esclaves dans vos entrailles ! »

L’ancien abbé de La Haye, qui avait été pendant longtemps curé du Dondon et qui joua un grand rôle en cet endroit dans l’insurrection des noirs, fut noyé par ordre de Rochambeau : il avait été trop favorable à la liberté des noirs, à l’égalité politique des mulâtres, pour ne pas payer de sa vie ses sentimens libéraux.

Labattut, autre Français, subit des persécutions d’un autre genre. Leclerc l’avait déjà dégradé de son commandement à la Tortue, pour avoir eu trop de douceur envers les noirs de cette île. Rochambeau l’accusa d’être en connivence avec eux, le fît arrêter et emprisonner ; mais c’était pour le contraindre à lui passer une vente de plusieurs centaines de carreaux de terre à la Tortue : l’acte de cette prétendue vente fut passé par Cormaud et Moreau, deux notaires du Cap. Remis en liberté à cette condition, ce vieillard jugea que la prudence lui commandait de se retirer aux États-Unis ; il s’y rendit.

Voilà les spécimens des faits commis à Saint-Domingue, par le capitaine-général qui hérita de la succession de Leclerc, et qui reçut sa confirmation le 24 de ce même mois de février où ces choses eurent lieu !

Les événemens qui se passaient dans le Sud et dans