Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’étaient presque tous les mulâtres de cette époque. Sa présence au milieu de ses fils eût suffi pour communiquer à tous ces jeunes hommes une énergie digne de la circonstance, si la valeur de Lamarre et la leur propre ne suffisaient pas. Cependant, l’Africain Gilles Bambara, qui était aussi au fort Liberté avec quelques hommes de sa bande, s’effraya de la situation et se retira avec eux, au moment où Neterwood s’avançait.

Cet intrépide officier était descendu le 30 mars sur les ruines fumantes du Petit-Goave : il était midi. Sans abri contre le soleil ardent de Saint-Domingue, se fiant à son courage et à la valeur de sa troupe d’élite, il marcha aussitôt, en deux colonnes, contre les indigènes. Celle qu’il commandait en personne arriva la première au fort Liberté qu’elle attaqua avec impétuosité : repoussée par une fusillade bien nourrie, elle revenait sans cesse à la charge ; enfin, Neterwood reçut à la tête une blessure mortelle qui occasionna la déroute. Bientôt, la seconde colonne arriva à son tour et subit le sort de la première. Clermont, jeune frère de Lamarre, se distingua en sortant du fort avec une partie de ses compagnons à la poursuite des fuyards. Le vieux Brouard, plein de vigueur, fit son coup de fusil comme les jeunes gens : il fut le dernier à cesser de tirer, a dit Boisrond Tonnerre dans ses mémoires[1].

On vit les chiens, effrayés de la fusillade, harceler les soldats français dans la déroute, contribuant ainsi au succès des indigènes. Dressés à la poursuite des nègres

  1. J’ai connu ce brave défenseur du fort Liberté, qui est mort au Petit-Goave presque centenaire. Son âge avancé, sa conduite toujours honorable, le souvenir glorieux de son courage, le rendaient respectable aux yeux de tous, et le firent jouir du privilège d’appeler tous les hommes de cette époque par leur nom, même Pétion, quoiqu’il fût le Président d’Haïti.