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les indigènes, que ceux-ci ne croyaient pas qu’ils fussent liés envers eux, lors même qu’ils avaient engagé leur parole d’honneur. Néanmoins, l’histoire doit condamner ces actes de déloyauté qui, à des époques plus ou moins rapprochées, ne produisent que de déplorables résultats. » "[1]

Si nous comprenons bien le jugement porté par M. Madiou sur la conduite attribuée à Pétion, il condamne ce général indigène pour n’avoir pas donné suite à la conférence où devaient être convenues les conditions du marché à ouvrir entre les indigènes et les Français, puisque cette conférence avait été remise au lendemain, — et non pas pour le projet bien autrement coupable de l’arrestation du général Lavalette, dans une embuscade que Pétion aurait ordonnée.

Si tel est le sens de ce jugement, nous nous étonnons que M. Madiou l’ait déféré à l’histoire, pour un refus d’approvisionner le Port-au-Prince, après la désapprobation de Dessalines relative à Geffrard, tandis que le fait de l’embuscade (s’il avait existé), eût mérité sa sévérité à un plus haut degré.

Nous n’hésitons pas à dire que cette tradition est inexacte dans ses circonstances, et calomnieuse à l’égard de Pétion, en ce qui concerne la prétendue embuscade placée contre Lavalette. Un tel fait est en opposition à tous les antécédens de Pétion. Il combattait les Français, il minait leur domination par sa politique intelligente, élevée et toute patriotique ; mais il n’eût jamais conçu l’idée de tendre un piège à un général ennemi qui aurait accepté une entrevue proposée par lui-même. Et puis,

  1. Histoire d’Haïti, t. 3. p. 62 et 63.