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des noirs ; et ce fut un noir, ce Patience, ancien esclave d’O’Gorman, qui facilita leur évasion ! Entre eux et ce noir, de quel côté étaient la vertu et les sentimens que l’homme doit nourrir pour ses semblables ? P. de Lacroix ne devait-il pas songer à tout cela, avant d’avoir appliqué cette expression aux noirs de Saint-Domingue ?

Prenant avec lui 150 grenadiers, escorté du chef d’escadron Bazelais, devenu son aide de camp, Dessalines passa par la colline de la Rivière-Froide, derrière le Port-au-Prince, pour se rendre à Léogane par la grande route. Mais il dut continuer par les montagnes, attendu que des postes français avaient été déjà établis jusqu’à l’habitation Gressier.

Parvenu à Léogane, il ordonna au colonel Pierre-Louis Diane, qui commandait cet arrondissement et la 8e demi-brigade, d’exécuter les instructions qu’il avait lui-même reçues de T. Louverture, et qui lui avaient été transmises verbalement (la lettre de ce dernier, du 8 février, ayant été interceptée) — d’incendier Léogane, d’en transporter les munitions dans la montagne, et d’égorger tous les blancs : ce qui fut exécuté littéralement[1]. Ces malheureux furent baïonnettes dans les mêmes lieux où

  1. Dans son Mémoire au Premier Consul, T. Louverture, se défendant du massacre opéré sur les blancs, à la Petite-Rivière de l’Artibonite, rejette ce crime sur Dessalines. Il avoue qu’étant aux Gonaïves, il avait envoyé Marc Coupé auprès de lui pour transmettre ses ordres relatifs à Léogane, et que cet officier revint lui dire qu’il n’avait pas rencontré Dessalines, mais qu’il avait appris l’incendie de cette ville. Or, lorsqu’on lit ses lettres interceptées, on reconnaît que le massacre des blancs était sous-entendu : celle adressé e à Dommage, de Saint-Marc, le 9 février, lui dit que Dessalines formait un cordon à la Croix-des-Bouquets ; il avait donc communiqué avec lui par ses officiers ! C’est le 9 aussi que Dessalines abandonna ce bourg au détachement français ; c’est le 12 que Léogane fut incendié et que les blancs furent massacrés. Il y adonc lieu de croire que ce fut par les instructions verbales de T. Louverture, transmises à Dessalines.