Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/380

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LETTRE VI.



Je vais vous mettre à même, par le récit des aventures d’une comédienne italienne, de comparer les mœurs de deux théâtres. Angelina naquit à Naples de parens excessivement pauvres ; son père était sculpteur en bois, mais si ignorant dans son métier, qu’il avait grand’peine à entretenir sa femme et sa fille ; vis-à-vis de chez lui logeait un jeune homme, nommé Antonio, fils d’un riche négociant : il voyait souvent Angelina ; il en devint passionnément amoureux, et fut assez heureux pour ne lui être pas indifférent. Quelque distance qu’il y eût entre eux deux, il demanda à son père la permission d’épouser Angelina ; ce fut inutilement. Ce négociant, uniquement touché de l’appas des biens, s’emporta contre son fils et lui défendit absolument de voir sa maîtresse.

Antonio était trop amoureux pour obéir ; il continua ses assiduités auprès d’elles. Son