Page:Aristide Briand-La Grève générale et la Révolution-1932.djvu/19

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de la bourgeoisie. (Vifs applaudissements). Celle-ci, qui n’ignore pas la force des sentiments familiaux, s’est toujours prudemment abstenue de la mettre aux prises avec celle de la discipline, Aussi, à de rares exceptions près, n’est-ce jamais dans leur pays, au milieu des leurs, que les jeunes gens accomplissent leur période de service militaire. Et c’est grâce à cette précaution que la Société capitaliste a pu faire expérimenter à Fourmies, dans de la chair ouvrière, la force de pénétration des balles Lebel. (Vifs applaudissements.)

En période de Grève générale, cette combinaison scélérate se trouverait déjouée. Dans l’armée, en effet, nombreux seraient les fils, les frères, les neveux, les parents à un degré quelconque d’ouvriers en grève, Quand on commanderait au soldat faisant son service dans une autre région que la sienne, mais ayant laissé dans son pays une famille de travailleurs, de tirer sur les grévistes, le petit pioupiou pourrait bien se faire cette réflexion : « On me dit, à moi, de tirer sur ces ouvriers, qu’on me présente comme des étrangers, mais aux soldats des régiments servent dans mon pays, on commande peut-être à la même heure de fusiller mon père, mon frère, un des miens… » (Vifs applaudissements et acclamations enthousiastes.)

Et alors, si l’ordre de tirer persistait, si l’officier, tenace, voulait quand même contraindre la volonté du soldat, quand elle est envahie par des préoccupations de cette nature, ah ! sans doute, les fusils pourraient partir, mais ce ne serait pas peut-être dans la direction indiquée. (Applaudissements prolongés.)

Cette possibilité d’affaiblir ainsi l’armée entre les mains de la classe capitaliste, n’est-ce pas une considération favorable à la conception de la Grève générale ?

L’armée serait, du reste, insuffisante pour faire face à un pareil danger. Déjà, vous avez pu constater l’état