Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1165

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§ 2. Au premier coup d'oeil, on pourrait être assez embarrassé pour se décider sur ce sujet en l'abordant. En effet, on ne peut pas dire que la fortune ressemble à la nature; car toujours la nature, pour une chose dont elle est cause, fait cette chose de la même façon ; ou du moins, elle la fait de la même façon dans le plus grand nombre des cas. Tout au contraire, jamais la fortune ne fait les choses de la même manière ; elle les fait sans aucun ordre et comme cela se trouve. Et voilà comment on dit que c'est dans les choses de ce genre que consiste le hasard ou la fortune. La fortune ne peut pas non plus se confondre avec l'intelligence, ni avec la droite raison ; car là encore, la régularité n'éclate pas moins que dans la nature ; les choses y tient éternellement de même ; et la fortune, le hasard ne s'y rencontre point. Aussi, là où il y a le plus de raison et d'intelligence ; là il y a le moins de hasard ; et là où il y a le plus de hasard, là il y a le moins d'intelligence.

§ 3. Mais la bonne fortune est-elle donc l'effet de la bienveillance ou du soin des Dieux ? Ou bien, n'est-ce pas là encore une idée fausse? Dieu est à nos yeux le dispensateur souverain des biens et des maux, répartis selon qu'on les mérite. Mais la fortune et toutes les choses