Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chose qu’on puisse regarder comme un bienfait des Dieux, il est naturel de penser que le bonheur est un don qu’ils ont fait aux hommes, puisque c’est la plus précieuse des choses humaines. Mais l’examen de cette question appartient peut-être plus proprement à quelque autre sujet de recherche. Au reste, en supposant qu’il ne soit pas une faveur des Dieux, mais le résultat de la vertu, ou de l’instruction, ou d’une constante application, le bonheur semble du moins être ce qu’il y a de plus divin, puisqu’il est la fin la plus excellente, et comme le prix de la vertu. On peut même dire qu’il est, en quelque sorte, accessible à tous : puisqu’il n’est point d’homme, pourvu qu’il ne soit pas disgracié de la nature au point d’être incapable de toute vertu, qui ne puisse l’obtenir avec des soins et de l’étude. Or, si le bonheur, acquis de cette manière, est préférable à

    aliquo divino unquam fuit, dit-il (De Nat. Deor. I. 2, c. 66). Au contraire, d’autres philosophes, et surtout les stoïciens, Zénon, Chrysippe, Cléanthe, Posidonius, etc., prétendirent que la vertu peut être le fruit de l’étude, de l’application, en un mot, d’une raison exercée et cultivée ; et il nous reste, parmi les œuvres de Plutarque, un traité intitulé : Que la vertu peut être enseignée. Enfin, une troisième opinion, qui paraît être celle d’Aristote, et qui est en effet plus conforme à la vérité et à l’observation de la nature humaine, c’est que la culture, l’étude et l’application contribuent essentiellement à développer et à fortifier les bonnes dispositions naturelles de certains individus ; ou à modifier les inclinations vicieuses de quelques autres, de manière à les rendre moins funestes. Sur quoi l’on peut voir encore ce que disent Quintilien (Instit. Orator.,1. 12, c. 2), et Maxime de Tyr (Dissert. 33).