Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/13

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autorité toujours fort limitée, et quelquefois même passagère et précaire, les idées naturelles et primitives d’égalité se conservent fort généralement. Chacun ayant un sentiment assez exact de ses droits, il s’établit de bonne heure des opinions justes, mais sévères, sur les devoirs des dépositaires de la puissance publique ; on les observe avec défiance, on les surveille avec un soin jaloux, parce qu’on sent vivement combien ceux qui disposent d’une pareille puissance peuvent facilement en abuser, et combien sont graves les conséquences d’un pareil abus. Aussi les livres dont je viens de parler sont-ils remplis d’avertissements et d’observations relatives à ce sujet. Par exemple, Théognis, qui florissait dans le sixième siècle avant l’ère chrétienne, caractérise d’une manière aussi énergique que précise la funeste influence que l’immoralité des classes supérieures de la société ne manque jamais d’exercer sur les destinées des peuples.

« Ο Cyrnus ! s’écrie-t-il, cet état est prêt à enfanter de funestes révolutions : je crains qu’il ne produise quelque ambitieux, auteur de cruelles discordes. Nos citoyens, il est vrai, sont sages et modérés, mais les chefs sont enclins à s’abandonner à toutes sortes de forfaits. Ο Cyrnus ! jamais des hommes vertueux n’ont causé la ruine d’un état ; mais lorsque des pervers se plaisent dans l’outrage et l’insolence, lorsqu’ils ruinent le peuple, et immolent