Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et il en est de même des biens. Aussi personne ne songe à louer le bonheur, comme on loue la justice ; mais on le vante, on l’exalte, comme étant une chose meilleure et plus divine. C’est pour cela qu’Eudoxe[1], en soutenant la prééminence de la volupté, remarque avec raison que, de ce qu’on ne la loue pas, quoiqu’elle soit au rang des biens[2], on devait conclure qu’elle est au-dessus de tout ce qui est l’objet de nos louanges ; que Dieu et le bien (en soi) sont dans le même cas, puisque c’est à eux que l’on rapporte tout le reste. Aussi donne-t-on des louanges à la vertu, car c’est elle qui rend capable de faire le bien, au lieu que les éloges[3] s’appliquent aux actions ou aux actes, tant ceux du corps, que ceux de l’esprit ou de l’âme. Mais une dis-

  1. Eudoxe de Gnide, disciple de Platon. Notre auteur en parle, avec plus de détail, au chapitre 2 du dixième livre de ce traité.
  2. Cicéron (De Fin., l. 4, c, 18) fait voir l’utilité des considérations indiquées ici, en réfutant ce sophisme : tout ce qui est bon est louable ; tout ce qui est louable est honnête : donc, tout ce qui est bon est honnête. « Aristote, dit-il, Xénocrate, et toute cette école, n’accorderont pas cette proposition. » Quippe qui valetudinem, vires, divitias, gloriam, multa aha, bona esse dicunt, laudabilia non dicunt.
  3. Louange (ἔπαινος ), éloge (ἐγκώμιον) diffèrent par des nuances de significations qu’il serait trop long de développer ici, de même que les idées attachées aux mots ἐυδαιμονισμὸς et μακαρισμὸς, qui ont quelque rapport avec les mots célébration, panégyrique, en français, surtout par rapport à la religion. Voyez la Rhétorique d’Aristote (l. i, c. 9).