Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/154

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tres conditions est très-importante ; ou plutôt, elles sont tout, et ne peuvent avoir lieu que par la fréquente répétition des actes de justice et de raison.

D’un autre côté, on appelle actes de justice et de raison, ceux que font les hommes justes et raisonnables : et, pour être raisonnable et juste, il ne suffit pas de faire de pareils actes ; mais il faut les faire comme les font ceux qui sont justes et raisonnables. On est donc autorisé à dire que c’est en pratiquant la justice qu’on devient juste, et en pratiquant la raison qu’on devient raisonnable ; et que, si l’on néglige de s’exercer à cette pratique, on ne doit pas espérer de jamais devenir vertueux.

Cependant la plupart des hommes ne s’appliquent point à agir de cette manière ; mais ils se persuadent qu’il suffit, pour être philosophe et pour devenir vertueux, d’avoir recours à de vains raisonnements[1] ; et en cela, ils font comme des malades qui se contenteraient d’écouter fort attentivement ce que leur disent les médecins, sans rien faire de ce qu’ils leur prescrivent. Or, de même que ceux-ci ne recouvreront jamais la santé du corps, en ne suivant pas d’autre traitement ; de même les premiers ne recouvreront ja-

  1. Ils s’imaginent qu’on est philosophe et vertueux uniquement parce qu’on sait discourir sur la vertu, en donner des définitions exactes, et qu’on possède, s’il le faut ainsi dire, la théorie ou la science de la morale.