Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porains une influence aussi heureuse qu’étendue, uniquement par l’ascendant de son génie et de son exemple. Ainsi, il s’attacha une foule d’hommes de tout âge et de toute profession, parmi lesquels il s’en trouvait plusieurs dont le dévouement pour lui était sans bornes. Mais, en même temps, il ne put éviter de se faire d’ardents et implacables ennemis, non seulement parmi ces sophistes dont il avait singulièrement décrédité la profession, en en faisant voir le vide et le danger, mais aussi parmi cette multitude d’hommes avides de crédit, de richesses et d’honneurs, dont il avait trop souvent dévoilé les intentions perfides et les coupables espérances. Non que, dans ses discours en parlant d’eux, ou dans ses entretiens publics avec eux, il y eût jamais rien d’amer ou d’offensant, ou qu’il eût abusé de la supériorité de sa raison pour les humilier en triomphant de leur défaite. Il avait, à leur égard, un tort bien plus impardonnable, celui de rendre plus difficile, et peut-être même, dans certains cas, impossible, l’accomplissement de leurs projets ambitieux. Car, cette ironie socratique, dont on a tant parlé, n’était point, comme on se l’imagine peut-être assez ordinairement, l’art de couvrir sous un langage en apparence modéré, ou même obligeant et flatteur, des sentiments d’aversion ou de mépris ; elle consistait assez souvent dans une naïveté de vérité et