Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/256

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et l’infériorité dans le second ; et il s’applique à surpasser en générosité ceux qui l’ont obligé, parce qu’alors on lui devra davantage, et qu’ainsi le bienfaiteur devient l’obligé à son tour. D’ailleurs, l’homme est, en général, plus disposé à se ressouvenir du bien qu’il a fait que de celui qu’on lui a fait ; car l’obligé est, par rapport au bienfaiteur, dans une sorte d’infériorité, et l’on veut toujours avoir l’avantage de son côté ; on se plaît à entendre parler de sa supériorité ; la situation contraire fait toujours quelque peine. Aussi Thétis, dans Homère[1], ne fait-elle pas à Jupiter une longue énumération des services qu’elle lui a rendus ; et les députés de Lacédémone, dans leur harangue aux Athéniens[2], s’arrêtent-ils plus volontiers sur les services que ceux-ci leur avaient rendus.

Il est encore dans le caractère du magnanime,

  1. En effet, elle dit simplement : « Si jamais je t’ai été utile, par mes paroles ou par mes actions. » (Voyez Iliad. ch. i, vs. 503.)
  2. Il est probable qu’Aristote n’avait pas en vue le passage de Xénophon (Hellenic. l. 6, c. 5), où se trouve le récit de cette ambassade des Lacédémoniens, à Athènes, après la perte de la bataille de Mantinée. Voici ce que dit, à ce sujet, le scholiaste de notre auteur : « Callisthène, dans le premier livre des Helléniques, rapporte que, dans le temps que les Thébains faisaient une invasion dans la Laconie, les Lacédémoniens envoyèrent solliciter l’alliance des Athéniens, et que les députés eurent soin, dans leur discours, de ne point faire mention des services rendus à Athènes par Lacédémone, mais de ne parler que des bons offices qu’elle avait reçus des Athéniens, espérant les engager, par ce moyen, à consentir à l’alliance proposée. »