Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/284

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la raison. Appliquons donc à ce nouvel objet la méthode dont nous avons déjà fait usage.

Or, nous voyons que tout le monde appelle justice le penchant ou la disposition qui nous porte à être justes, à agir d’une manière conforme à l’équité, en un mot, à vouloir[1] en tout ce qui est juste. Et pareillement nous voyons que l’injustice est le penchant qui nous porte à commettre des actes injustes, et à vouloir ce qui n’est pas juste. Voilà donc une première esquisse, grossière et imparfaite de ce sujet ; car il n’en est pas des dispositions ou des habitudes, comme des sciences et des facultés.

En effet, la même science et la même faculté peuvent donner lieu à des actes ou à des résultats tout-à-fait opposés ; mais la disposition ou l’habitude ne peut rien produire qui lui soit contraire. Par exemple, la santé n’admet aucun acte qui puisse annoncer, ou manifester un état opposé ; et nous disons d’un homme que sa démarche annonce la santé, lorsqu’il marche comme le fait celui qui est sain. Au lieu que souvent il arrive qu’on reconnaît l’habitude ou la disposition contraire, par l’habitude contraire : et que les habitudes, en général, se reconnaissent aux circonstances qui les accompagnent. Car, si le bon état du corps se manifeste avec évidence, le mauvais état n’est pas

  1. « L’homme juste, dit Ménandre, n’est pas celui qui ne commet point d’injustice ; mais celui qui, pouvant être injuste, ne veut pas l’être. »