Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/380

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et de débauché sont absolument identiques, ceux-là le nient. Il y en a qui prétendent que l’homme sensé ne peut jamais être intempérant, et d’autres croient que certains hommes, même très-sensés, sont quelquefois intempérants. Au reste, ce mot s’applique à ceux qui ne savent pas maîtriser la colère, l’ambition, et l’amour des richesses. Telles sont donc les opinions les plus communes.

II. Il semble difficile de comprendre comment un homme qui a des opinions justes, peut s’abandonner à l’intempérance ; et même il y a des personnes qui soutiennent que cela est impossible, quand l’esprit est véritablement éclairé. Car il serait étrange, suivant l’opinion de Socrate, que là où existe la véritable science, il y eût quelque chose de plus fort qu’elle, et qui fût capable de maîtriser l’homme comme un vil esclave. Ce philosophe rejetait ainsi entièrement cette manière de poser la question[1], comme si l’intempérance n’existait réellement pas, puisqu’il prétendait que personne n’agit sciemment contre la vertu, mais par ignorance. Cependant cette manière de raisonner est en opposition manifeste avec les faits ; et, en supposant que l’intempérant agisse par ignorance, il aurait fallu, du moins, chercher quelle sorte d’ignorance l’égare. Car il est évident que celui qui se livre à l’intempérance ne croit pas qu’il doive faire ce qu’il fait, au moins avant le moment où la passion s’empare de lui. D’un autre côté, il y a des personnes qui

  1. Voyez Xenoph. Memor. Socrat. l. 3, c. 9, § 4.