Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/400

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qu’on ne peut appeler ainsi qu’en y ajoutant qu’ils sont l’indice d’une nature brutale, ou d’une constitution maladive : ainsi l’on voit clairement qu’il y a une intempérance brutale, ou résultant de la maladie, et qu’on ne doit appeler, simplement intempérance, que celle qui n’a rien de contraire à la nature humaine.

Il est donc évident que l’intempérance et la tempérance sont relatives aux mêmes objets que la débauche et la sobriété ; et que, quand on applique ces mots à d’autres choses et à une autre espèce d’intempérance[1], on leur donne alors un sens métaphorique, et non pas simple ou absolu.

VI. Faisons voir maintenant qu’il y a moins de honte à céder à la colère qu’à ne pas maîtriser ses désirs. En effet, elle semble, jusqu’à un certain point, capable d’entendre la raison ; mais elle l’entend mal : comme ces serviteurs empressés, qui se mettent à courir avant d’avoir entendu tout ce qu’on veut leur dire, et qui ensuite exécutent mal l’ordre qu’on leur donne ; ou comme les chiens qui aboient au premier coup qu’on frappe à la porte, avant de reconnaître si celui qui frappe est un ami de la maison. Ainsi, l’homme colère, cédant à sa chaleur et à son impétuosité naturelles, avant d’avoir entendu l’ordre qu’il reçoit, court à la vengeance. Car sa raison, ou son imagination, lui fait

  1. Aristote examine encore ailleurs cette question de l’emploi métaphorique ou analogique du mot intempérant (ἀκρατὴς ). voyez Problem. XXVII, sect. 3 et 7.