Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/404

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faire infiniment plus de mal qu’une bête féroce.

VII. Quant aux plaisirs et aux peines, aux désirs et aux aversions que font naître les sensations du toucher et du goût, auxquelles nous avons vu précédemment que se rapportent les idées de débauche et de sobriété, on peut être susceptible de se laisser entraîner à ceux dont la plupart des hommes savent triompher, et l’on peut résister à ceux qui séduisent le plus grand nombre. En ce genre, on appelle intempérant celui qui cède au plaisir, et tempérant celui qui y résiste ; on dit de celui qui cède à la peine, qu’il est mou, sans énergie ; on dit de celui qui ne s’en laisse point abattre, qu’il a de la force d’âme. La manière d’être qui tient le milieu entre ces deux genres de dispositions, est celle de la grande majorité des hommes, quoiqu’ils inclinent plus généralement du pire côté.

Cependant, comme il y a des plaisirs qui sont nécessaires, d’autres qui ne le sont pas, ou qui ne le sont que jusqu’à un certain point, et qu’assurément l’excès ou le défaut, en ce genre, ne sont pas des nécessités de la nature ; comme il en est de même des désirs et des sentiments pénibles : celui qui recherche avec ardeur les sensations agréables, ou qui les veut éprouver au plus haut degré ; par choix et pour elles-mêmes, sans avoir aucun autre but, est proprement un débauché ; car il est impossible qu’il éprouve du regret ou du repentir, et dès-lors son vice est incurable. Celui qui est insensible à ces plaisirs, est dans l’extrême opposé : l’homme tempérant et sobre est dans le