Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/409

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entièrement tels que nous l’avions supposé d’abord ; mais l’un est perverti sans ressource, l’autre peut encore s’amender. Car le vice est comme l’hydropisie ou la phthisie, et l’intempérance comme l’épilepsie ; l’un est une maladie continue, l’autre est une maladie qui a ses intervalles de relâche ; et, en général, le vice est un genre d’habitudes autre que l’intempérance. L’homme vicieux ne se connaît pas lui-même comme tel ; l’intempérant s’aperçoit de son défaut ; et il vaut mieux, dans ce cas, être susceptible d’une sorte d’emportement momentané, qui vous fait sortir des règles du devoir, que d’être capable de consulter la raison, sans pouvoir persister à suivre ses conseils. On cède alors à des passions moins fortes, et l’on n’a pas le tort d’avoir cédé, pour ainsi dire, de dessein prémédité, comme fait l’homme décidément vicieux. Car l’intempérant est semblable à ces gens qui s’enivrent en ne buvant qu’une petite quantité de vin, et même moins considérable que celle qui produit ordinairement l’ivresse. Il est donc évident que l’intempérance n’est pas la même chose que le vice, si ce n’est peut-être à quelques égards : car l’une a lieu contre l’intention de celui qui s’y livre, l’autre est une affaire de préférence. Cependant les actions qui résultent de ces deux causes sont assez semblables, comme disait Demodocus[1] au sujet des habitants

  1. Poète dont on ne sait rien d’ailleurs, sinon qu’il était de l’île de Léros. Voyez Diog. Laert. (l. i, sect. 84), et la note de Ménage sur cet endroit.