Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/449

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ceux qui l’ont recherchée dans l’amour plutôt que le plaisir et l’agrément, ne donne pas autant de constance à ce sentiment, en même temps qu’il a moins de vivacité. Aussi l’amitié qui n’est fondée que sur l’utilité, est-elle plus communément sujette à se dissoudre, quand cette utilité a cessé d’exister : car les amis ne s’aiment pas proprement l’un l’autre ; dans ce cas, ils n’aiment que ce qui leur est avantageux ou profitable.

Le plaisir et l’utilité peuvent donc unir entre eux, par une sorte d’amitié, des hommes vils et méprisables, et des hommes estimables avec ceux qui ne méritent aucune estime, et tel qui ne mérite ni mépris ni estime, avec un homme d’un caractère ou méprisable, ou estimable, ou indifférent ; mais il n’y a que les hommes vertueux qui s’unissent les uns aux autres, à cause de leur valeur personnelle ; car les caractères vicieux ne voient dans l’amitié que l’utilité qui peut en résulter.

Aussi n’y a-t-il que l’amitié des gens de bien qui soit à l’abri de la calomnie[1] : car il ne leur est pas facile d’en croire qui que ce soit sur le compte d’un ami long-temps éprouvé ; au contraire, ils sont unis par la plus entière confiance ; ils sont inca-

    sur les qualités morales, et celui qui ne l’est que sur les avantages extérieurs.

  1. Cicéron (De Amicit. c. 18) dit aussi : Addendum eodem est, ut ne criminibus, aut inferendis delectetur, aut credat oblatis... est enim boni viri... non solum ab aliquo allatas criminationes refellere, sed ne ipsum quidem esse suspiciosum, semper aliquid existimantem ab amico esse violatum.