Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/496

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sance et déférence en tout à un père ; ou bien, faut-il, quand on est malade, suivre plutôt les ordonnances du médecin ? ou, quand il est question de nommer un général, donner plutôt son suffrage à un homme qui a le caractère et les talents propres à la guerre ? Pareillement, faut-il se dévouer au service de son ami, plutôt qu’à celui d’un homme vertueux ; ou bien, rendre à un bienfaiteur les bons offices qu’on en a reçus, plutôt que de se montrer généreux envers un ami de plaisir, s’il n’est pas possible de les obliger tous les deux ? Ce sont là des questions qu’il n’est pas facile de résoudre d’une manière précise : car elles présentent un grand nombre d’aspects divers, par leur importance ou par leur délicatesse, sous le rapport de l’honnête et sous celui de la nécessité.

Toutefois il est assez évident qu’il ne faut pas tout faire pour la même personne ; qu’on doit, au moins ordinairement, rendre les bienfaits qu’on a reçus, plutôt que d’obliger ses amis ; et regarder le bienfait comme une dette qu’on a contractée, plutôt que de faire des présents à quelqu’un qu’on affectionne. Mais peut-être cela n’est-il pas toujours ainsi : par exemple, celui qui aurait été racheté des mains des brigands, devrait-il racheter, à son tour, son libérateur, quel qu’il fût d’ailleurs ? Ou bien, supposé que celui-ci ne soit pas prisonnier, mais qu’il redemande le prix de la rançon qu’il a payée, devra-t-on le lui rendre, plutôt que de racheter son propre père ? Car il semble qu’on soit plus obligé à délivrer son père qu’à se racheter