Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/569

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de même une telle vie est divine par rapport à la vie de l’homme. Il ne faut donc pas suivre le conseil de ceux qui veulent qu’on n’ait que des sentiments conformes à l’humanité, parce qu’on est homme, et qu’on n’aspire qu’à la destinée d’une créature mortelle, puisqu’on est mortel[1] ; mais nous devons nous appliquer, autant qu’il est possible, à nous rendre dignes de l’immortalité, et faire tous nos efforts pour conformer notre vie à ce qu’il y a en nous de plus sublime. Car, si ce principe divin est petit par l’espace qu’il occupe, il est, par sa puissance et par sa dignité, au-dessus de tout. On est même autorisé à croire que c’est lui qui constitue proprement chaque individu[2], puisque ce qui commande est aussi d’un plus grand prix ; par conséquent, il y aurait de l’absurdité à ne le pas prendre pour guide de sa vie, et à lui préférer quelque autre principe. Et ceci s’accorde tout-à-fait avec ce que nous avons dit précédemment ; car ce qu’il y a de propre à la nature de chaque être [avons-nous dit], est aussi ce qu’il y a de plus agréable pour lui, et ce qu’il y a de plus précieux : or, c’est ce que doit être pour l’homme une vie dirigée par l’intelligence ou par l’esprit, s’il est vrai que lui-même, soit essentiellement esprit ou

  1. Aristote répète cette sentence dans sa Rhétorique (l. 2, c. 21). Mais elle y est plus explicitement énoncée, et comme une citation de quelque poète. On croit que c’est un vers d’Épicharme.
  2. Voyez ci-dessus, l. 9, c. 8.