Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/57

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ou les provoquer sans nécessité, sans motif légitime, est témérité : s’en effrayer, s’en laisser abattre, les éviter ou les fuir, lorsque l’honneur et la raison font un devoir de s’y exposer, c’est lâcheté. La témérité et la lâcheté sont donc les deux vices, l’un par excès et l’autre par défaut, entre lesquels le juste milieu est la vertu qu’on nomme courage. Pareillement, il y a un sentiment d’indignation légitime et généreuse que la prospérité du méchant et le triomphe de l’immoralité inspirent naturellement à tout homme juste et vertueux. Mais, n’éprouver que de la peine à l’occasion de tout ce qui peut arriver d’heureux aux autres, ou ressentir de la joie toutes les fois qu’ils éprouvent quelque peine ou quelque malheur, sont deux excès en sens contraire, entre lesquels le milieu qu’approuve la raison, est précisément cette vertueuse indignation qu’Aristote désigne par le, nom de Némésis[1].

  1. Les anciens, dans leurs croyances superstitieuses, désignaient aussi par ce nom une divinité particulière, chargée de mettre un terme aux prospérités les plus éclatantes, et d’étonner, en quelque sorte, le monde par ces revers soudains et imprévus, qui précipitent les hommes du sommet de la puissance dans une infortune dont leur orgueil leur dissimule ordinairement les causes immédiates et souvent très-prochaines. Némésis, suivant Hésiode, était fille de la Nuit et de l’Océan, et son ori-