Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/575

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faire tout ce qui est honnête et honorable, sans posséder l’empire de la terre et de la mer, et même, avec une fortune médiocre, agir d’une manière conforme à la vertu. C’est ce dont il est facile de se convaincre, en considérant que les simples particuliers ne sont pas moins en état que les souverains de faire des actions vertueuses ; ils le sont même plus ; et il leur suffit d’en avoir les moyens ; car quiconque fait de telles actions ne peut manquer de vivre heureux.

Aussi Solon semble-t-il avoir parfaitement défini ce que c’est qu’un homme heureux, quand il a dit que c’est celui qui, médiocrement pourvu des biens de la fortune, a trouvé moyen de faire les plus belles actions, et a vécu avec sagesse et modération[1]. Car il est possible, dans une condition médiocre, de faire tout ce qu’on doit : et Anaxagoras ne paraît pas avoir regardé la richesse et la puissance comme des conditions nécessaires au bonheur, lorsqu’il a dit qu’il ne serait pas surpris qu’un homme [qui dédaignerait ces biens] ne passât pour insensé dans l’esprit du vulgaire[2], qui

  1. Ceci se rapporte à un entretien que, suivant Hérodote, Solon eut avec Crésus, roi de Lydie, au sujet du bonheur. On le trouve dans l’historien grec (l. 1, c. 29—32).
  2. Ailleurs (Eudem l. i, c. 4) Aristote s’exprime ainsi : « Quelqu’un demandant à Anaxagoras quel était le plus heureux des hommes : — Ce n’est aucun de ceux que tu crois, répondit-il ; mais c’est quelqu’un qui te semblerait bien bizarre. — Il répondit de cette manière, parce qu’il voyait que celui qui lui avait fait cette question pensait qu’on ne saurait mériter