Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/586

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science[1], il s’en faut de beaucoup qu’ils soient en état de l’enseigner ; car ils ignorent entièrement en quoi elle consiste, et à quels objets elle s’applique : autrement, ils ne l’auraient pas confondue avec la rhétorique, ni regardée comme moins importante. Ils ne s’imagineraient pas pouvoir facilement devenir législateurs, en rassemblant toutes les lois dont la sagesse a quelque célébrité, et en se bornant à choisir les meilleures ; comme si ce choix ne dépendait pas de la sagacité qu’on y porte, et comme si bien juger [en ce genre] n’était pas, comme dans ce qui a rapport à la musique, une chose de la plus haute importance. En effet, les habiles en chaque genre savent porter un jugement sain des ouvragés, et connaissent comment et par quels moyens on leur donne le degré de perfection dont ils sont susceptibles ; ils démêlent l’accord et la juste correspondance de toutes les parties entre elles : au lieu que les ignorants se contentent de pouvoir reconnaître si l’ouvrage est bien ou mal exécuté, comme dans la peinture[2].

Mais les lois sont l’œuvre des hommes qui pra-

  1. C’était, en effet, la principale prétention des sophistes, comme ou le voit par les dialogues de Platon, notamment le Gorgias (p. 452), et le Protagoras (p. 318), etc.
  2. « On peut, sans être peintre, connaître qu’un portrait est très —ressemblant, et même qu’il est bien peint : mais savoir pourquoi il est bien exécuté, et en quoi il l’est mieux qu’un autre portrait, c’est ce qu’on ne peut attendre que de celui qui a quelque expérience de l’art, et qui l’a pratiqué lui-même. » Paraphr.