Page:Aristote - Production et destruction des choses, Ladrange, 1866.djvu/70

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Le futur vainqueur de Marathon les pressait de se retirer, et, en détruisant ainsi l’armée des Perses, de rendre la liberté à l’Ionie. Les chefs Ioniens délibérèrent ; et, sur l’avis contraire d’Histiée de Milet, ils se décidèrent à attendre Darius et à le sauver. Avec Histiée, on comptait pour chefs des Ioniens, Strattis de Chios, Aeacès de Samos, Laodamas de Phocée ; Aristagoras de Cymé était seul pour les Éoliens. Ce qui décida cette résolution singulière, ce ne fut pas la fidélité à la parole donnée ; ce fut simplement l’intérêt personnel. Histiée de Milet convainquit sans trop de peine ses collègues, intéressés comme lui, que, si l’appui des Perses leur manquait, aucun d’eux ne serait le mettre un seul instant dans sa cité particulière. Le peuple, délivré du joug étranger, rétablirait sur-le-champ la démocratie, et priverait ses chefs actuels de tout pouvoir, pour les punir d’avoir accepté la faveur du Grand Roi. Cette opinion prévalut ; et Darius, échappant à la poursuite des Scythes, put repasser le Danube.

Que serait-il advenu si les Ioniens eussent rompu le pont et eussent fait périr l’armée avec son chef ? C’eût été sans doute un affreux désastre pour l’empire des Perses ; mais ce coup, quelque terrible qu’il eût été, n’aurait pu être décisif. Les défaites de Marathon, de Salamine, de Platée, n’y suffirent même pas. L’Ionie eût certainement respiré ;