Page:Armaingaud - La Boétie, Montaigne et le Contr’un - Réponse à R. Dezeimeris.djvu/14

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3. Pouvait-on dire qu’il était « non pas accoustumé à la poudre des batailles, mais encore à grand peine au sable des tournois » ?

Il semble qu’il ait fallu à M. Dezeimeris, pour le soutenir, oublier son histoire, et tenir pour non avenus les faits les plus avérés. Examinons d’abord ce qui concerne les tournois ; c’est sur ce point qu’il s’étend le plus. Sous aucun règne, il n’y a eu autant de tournois, les Chroniques sont remplies de leurs descriptions. Aucun roi de France — Henri II excepté — n’a autant aimé les joutes et les passes d’armes que Charles VI, et n’y a plus souvent pris une part personnelle et active. Si active, si passionnée, qu’on le lui reprochait souvent. Dès 1385, il se fit admirer par sa force et son adresse en descendant dans la lice, et en fournissant neuf courses contre Collard d’Espinoy, chevalier du Hainaut[1]. Bien qu’il n’eût encore que dix-sept ans, « les plus sages trouvèrent à redire à la part qu’il prit au tournoi de cette année comme une chose peu convenable pour la dignité royale, et contraire aux usages des anciens rois ; ils étaient charmés néanmoins que, dans ce premier essai des forces de sa jeunesse, le roi eût obtenu un si glorieux succès, et qu’il se fût attiré par là l’affection et l'estime des étrangers[2]. » Les mêmes remontrances, naturellement, lui furent adressées quand il fut un peu plus âgé. « Le roi Charles VI se mêlait trop souvent aux tournois et autres jeux militaires dont ses prédécesseurs s’abstenaient dès qu’ils avaient reçu l’onction sainte[3]. » Il est le seul roi, à cette date, qui ait fait exception à cette règle.

Il est donc impossible de s’expliquer que M. Dezeimeris ait cru pouvoir appliquer à Charles VI le passage où le tyran est représenté comme étant « à grand peine accoustumé au sable des tournois ».

Le seul tournoi dont mon critique ait fait mention est celui de Saint-Pol, en 1389. Il y eut dans la seule année de 1389 deux grands tournois. Celui de Saint-Denis, tenu à l’occasion de la chevalerie des deux fils du roi, fut l’un des plus beaux

  1. Chronique du religieux de Saint-Denis, t. I, p. 353. Tournoi de Cambrai.
  2. Ibid., t. I, p. 353-54.
  3. Ibid., t. I, p. 567.