Page:Armaingaud - La Boétie, Montaigne et le Contr’un - Réponse à R. Dezeimeris.djvu/22

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Première affirmation. L’auteur de la version latine d’un fragment du Discours dans la première édition du Réveille-matin a rendu ainsi le passage qui nous occupe ici : « (Hommuncio) qui impudicæ mulierculæ servitio totus addictus sit, » ce qui, se traduisant par « un hommeau tout asservi à une femme impudique » ne nous laisse pas le choix entre les deux sens et impose le second.

Deuxième affirmation. Entendre la phrase du Contr’un dans le sens incapable de… est une interprétation « étrange » et à laquelle on ne peut s’arrêter, car « elle est contraire à la langue d’une façon générale, et en particulier contraire au parallélisme évidemment calculé de la phrase du Contr’un »[1].

Quelques mots suffiront pour réfuter ces deux assertions. Le Discours de la servitude a été écrit en français par un auteur français. Ce n’est donc pas dans une version latine, qui a été faite non par l’auteur, mais par un traducteur inconnu, qu’il faut chercher le sens d’une expression qui en comporte deux, très différents l’un de l’autre. La version latine ne prouve qu’une chose, c’est que le traducteur a choisi le second sens ; ce qui peut s’expliquer par ce simple fait que le texte latin s’adressait à un public différent de celui que visait le texte français ; il était destiné aux lecteurs européens, auxquels on voulait parler tout d’abord ; le texte français paru quelques semaines après, était destiné aux lecteurs français. En outre, ce texte latin n’a aucune autorité ; il n’offre aucune garantie de traduction scrupuleuse de la pensée de l’auteur. Nous le surprenons, en effet, trois fois, dans les quelques lignes du portrait, en flagrant délit, soit d’amplifications, soit d’infidélité : le texte français « non pas qui puisse par force commander aux hommes » est traduit par « non qui vi et armis homines ad imperium cogere possit », avec addition du mot armis qui n’a pas d’équivalent dans le texte français. Le latin dit encore mulierculæ impudicæ, alors que, dans le texte fran-

  1. Il ne nous parait pas aussi évident qu’à M. Dezeimeris qu’il y ait un parallélisme calculé dans cette phrase. Mais si l’auteur a voulu l’y mettre, ce parallélisme existe aussi bien en acceptant le premier sens qu’en préférant le second. Incapable de servir à une femmelette s’oppose très bien à : incapable de commander aux hommes. Cette considération n’a d’ailleurs qu’un faible intérêt.