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SI TU M’AVAIS AIMÉE

Près d’elle j’ai vécu cette heure de détresse
Où l’être tout entier se perd dans l’inconnu,
Sans que le réconfort humain d’une caresse
Ait posé sa douceur sur le pauvre front nu.

Car je viens de souffrir l’angoisse sans égale
De celui qui, debout sur le pont d’un bateau,
Pleure devant le port de sa terre natale
Où le passé se dresse adorablement beau.

Il aperçoit la ville aux ruelles désertes,
11 respire dans l’air le parfum des lilas,
11 voit, près des maisons aux fenêtres ouvertes,
Le jardin où, tout seul, il fit ses premiers pas.

Il écoute les eaux chantantes des fontaines,
Les cloches égrenant leur léger carillon.
L’appel mystérieux des tendres voix lointaines
Et le chant monotone et frêle du grillon.