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FRAGMENT
Extrait des Nuits d’Young.
(cinquième nuit.)


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Heureux l’homme qui dégoûte des plaisirs factices d’un monde tumultueux et de tous ces vains objets qui s’interposent entre notre âme et la vérité, s’enfonce, par choix, sous l’ombre épaisse et silencieuse des cyprès ; visite les voûtes sépulcrales que le flambeau du trépas éclaire, lit les épitaphes des morts, pèse leur poussière, et se plaît au milieu des tombeaux ! Ce sombre empire où la mort est assise au milieu des ruines, offre à l’homme un asyle paisible où son âme doit entrer souvent et promener ses pensées solitaires. Que l’air qu’on y respire est salutaire à la vérité, et mortel pour l’orgueil ! Ô mon âme, entrons-y sans effroi ; cherchons ici ces idées consolantes dont l’homme a tant besoin sur la terre ; pesons la vie et la mort ; osons envisager la mort en face, et bravant ses torrens par un mépris généreux, cueillons sur les tombeaux la palme des grandes âmes. Puisse ma sagesse s’enrichir de mes malheurs et me payer mes larmes.

Suis-moi, Lorenzo, viens ; lisons ensemble sur la pierre qui couvre ta chère Narcisse… Quel traité de morale sublime elle tient ouvert ! Que son langage muet est pathétique ! Quels orateurs peuvent toucher comme elle une âme sensible ? L’éloquence des paroles peut nous émouvoir ; mais que ses images sont faibles et mortes auprès des impressions vives et profondes dont la vue de cette pierre nous pénètre ! Avec quelle force elle parle à nos yeux ! Que de leçons renfermées dans la date que j’y vois gravée !…

Demande-lui si la beauté, si la jeunesse, si tout ce qui est aimable est de longue durée ! Homme, ose donc désormais comp-