Page:Arnaud - Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris, 2.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


LE CIMETIÈRE DE CAMPAGNE,
Élégie anglaise
De Gray,

Traduction nouvelle, en vers français.


Le jour fuit ; de l’airain les lugubres accens
Rappellent au bercail les troupeaux mugissans ;
Le laboureur lassé, regagne sa chaumière ;
Du soleil expirant la tremblante lumière
Délaisse par degrés les monts silencieux ;
Un calme solennel enveloppe les cieux ;
Et sur un vieux donjon que le lierre environne,
Les sinistres oiseaux, par un cri monotone,
Grondent le voyageur dans sa route égaré,
Qui vient troubler l’empire à la nuit consacré.
Près de ces ifs noueux dont la verdure sombre
Sur les champs attristés répand le deuil et l’ombre,
Sous ces frêles gazons, parure du tombeau,
Dorment les villageois, ancêtres du hameau,
Rien ne peut les troubler dans leur couche dernière ;
Ni le clairon du coq annonçant la lumière,
Ni du cor matinal l’appel accoutumé,
Tu la voix du printemps au souffle parfumé.
Des enfans, réunis dans les bras de leur mère,
Ne partageront plus sur les genoux d’un père
Le baiser du retour, objet de leur désir,
Et, le soir au banquet, la coupe du plaisir.
N’ira plus à la ronde égayer la famille.
Que de fois, la moisson fatigua leur faucille !
Que de sillons traça leur soc laborieux !
Comme au sein des travaux leurs chants étaient joyeux,
Quand la forêt tombait sous les lourdes coignées !