Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v1.djvu/115

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Le peuple de Paris comprenait enfin dans quel piège il était tombé, et comptait avec une lucidité cruelle les fils de la trame honteuse où il s’était laissé prendre.

Dans les groupes, pas une seule voix ne s’élevait pour défendre Jules Favre ou Trochu. Le verdict était unanime.

Vingt fois, cent fois par jour, vous pouviez entendre des citoyens s’écrier :

« Ah ! si nous avions su, au 31 octobre ! » et exprimer le regret positif, amer, que le mouvement n’eût pas réussi ce jour-là.

Le bandeau s’était déchiré. Paris voyait clair ; Paris voyait qu’il avait eu la force de se sauver, de sauver avec lui la France et la République, et qu’il n’avait pas su s’en servir à temps.

Paris voyait que si, au lieu d’accepter, suivant la vieille tradition monarchico-bourgeoise, un gouvernement en dehors et au-dessus de lui, il avait mis directement la main au gouvernail, dans la personne de ses représentants naturels, vivant au milieu de lui, agissant d’accord avec lui, imprégnés de sa volonté, emportés par le courant de l’opinion publique, il aurait évité presque tous les écueils où venaient de sombrer un grand peuple et une grande idée.

Paris voyait que tout ce qu’il avait demandé, tout ce qui eût été le salut, on le lui avait refusé.

Il avait demandé le rationnement : on lui avait imposé l’aumône à la porte des mairies.

Il avait demandé la guerre à outrance : on lui avait imposé la paix à tout prix.

Il avait demandé l’élection d’un conseil populaire communal, chargé de partager la direction et la responsabilité des opérations du siége : on lui avait imposé d’élire vingt maires et quarante