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d’aucune sorte donné par le Comité Central, ou aucun groupe organisé en mesure d’exercer une autorité, une action quelconque, sur la foule.

Le Comité Central n’apprit leur arrestation qu’en apprenant leur mort, et peut se laver les mains de ces gouttes de sang versées en dehors de sa participation.

Ce fut un accident, comme il est à peu près inévitable qu’il s’en produise au milieu d’une grande émotion populaire qui surexcite toutes les passions, qui exalte tous les esprits, qui pousse à l’extrême tous les tempéraments.

Ce qu’il y a vraiment à remarquer, à noter, c’est que dans une ville de deux millions d’âmes, enfiévrée par cinq mois de siége, de combats, de privations cruelles, saignant de toutes les blessures patriotiques, politiques et sociales, insultée, provoquée lâchement, et brutalement attaquée, les représailles et les violences se soient réduites à ce simple fait isolé, qui ne trouva point d’imitateurs.

Que l’on compare avec la férocité implacable, la monomanie sanguinaire des modérés, des hommes d’ordre, des sauveurs de société, chaque fois que leurs ennemis tombent en leur pouvoir.

C’est le cri qui m’échappa, le lendemain, rue de la Bourse, où un monsieur fort élégant, debout à côté de sa voiture, déclamait contre les violences du peuple et parlait avec emphase des victimes de la Révolution.

— Elles sont deux, lui dis-je. Si les hommes d’ordre, comme vous les appelez, avaient été vainqueurs, elles seraient dix mille !

Ce monsieur me regarda comme on regarde un serpent sur lequel on vient de mettre le pied, et monta dans sa voiture, sans me répondre.