Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v2.djvu/28

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ses membres, aspire avec ardeur l’air de la liberté, s’en enivre, s’abandonne aux longs espoirs, voit tout en rose, pour employer une locution vulgaire, mais qui rend parfaitement la situation.

Le 18 mars, il n’en fut pas ainsi, et cette glorieuse Révolution, qui devait finir dans le sang de tant d’hommes, commença grave, sombre, presque sinistre.

L’inquiétude était partout : chez le parti révolutionnaire et socialiste, qui sentait bien qu’on lui avait forcé la main et qu’on le jetait dans l’action à une heure qui n’était pas la sienne ; chez les hommes de prévision qui songeaient aux Prussiens ; chez les patriotes qui saignaient à l’idée de donner à l’ennemi, à l’étranger, le spectacle de nos dissensions ; chez les républicains formalistes, qui craignaient que ces agitations ne tournassent la majorité du pays contre la République elle-même ; chez la bourgeoisie enfin, qui, redoutant le peuple et méprisant l’assemblée de Versailles, ne savait plus à quel saint se vouer, à quelle branche se raccrocher.

J’ai expliqué, en effet, que les premiers actes du gouvernement de Bordeaux avaient profondément irrité et blessé une notable partie de la bourgeoisie parisienne.

La fuite du gouvernement, le 18 mars, avait achevé de l’exaspérer.

Elle y voyait une insigne lâcheté d’abord, une véritable trahison ensuite, puisque cette fuite la laissait seule, sans direction, sans appui, à la merci de la Révolution.

Le premier sentiment qui domina tous les autres, car il était à peu près unanime, fut donc un sentiment de colère et d’indignation contre le gouvernement.