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LETTRES SUR LE LANGAGE

sentation, une façon accessoire de révéler des œuvres, une sorte d’intermède spectaculaire sans signification propre, elle ne vaudra qu’autant qu’elle parviendra à se dissimuler derrière les œuvres qu’elle prétend servir. Et cela durera aussi longtemps que l’intérêt majeur d’une œuvre représentée résidera dans son texte, aussi longtemps qu’au théâtre art de représentation, la littérature prendra le pas sur la représentation appelée improprement spectacle, avec tout ce que cette dénomination entraîne de péjoratif, d’accessoire, d’éphémère et d’extérieur.

Voilà il me semble ce qui plus que toute autre chose est une vérité première : c’est que le théâtre, art indépendant et autonome, se doit pour ressusciter, ou simplement pour vivre, de bien marquer ce qui le différencie d’avec le texte, d’avec la parole pure, d’avec la littérature, et tous autres moyens écrits et fixés.

On peut très bien continuer à concevoir un théâtre basé sur la prépondérance du texte, et sur un texte de plus en plus verbal, diffus et assommant auquel l’esthétique de la scène serait soumise.

Mais cette conception qui consiste à faire asseoir des personnages sur un certain nombre de chaises ou de fauteuils placés en rang, et à se raconter des histoires si merveilleuses soient-elles, n’est peut-être pas la négation absolue du théâtre, qui n’a pas absolument besoin du mouvement pour être ce qu’il doit être, elle en serait plutôt la perversion.

Que le théâtre soit devenu chose essentiellement psychologique, alchimie intellectuelle de sentiments, et que le summum de l’art en matière dramatique ait fini par consister en un certain idéal de silence et d’immobilité, ce n’est pas autre chose que la perversion sur la scène de l’idée de concentration.

Mais cette concentration du jeu employée parmi tant de moyens d’expression par les Japonais par exemple ne