gardé, nous réussîmes à faire une trouée ; mais d’autres soldats s’emparèrent de nous et nous conduisirent devant l’officier qui commandait le détachement ; il y avait là quelques prisonniers.
« Nous étions dix ; on nous interrogea sommairement, nous fûmes condamnés à mort. Deux gibets furent dressés, et, à genoux sur le sol, nous nous préparâmes à quitter la vie.
« On désigna d’abord mon fils, j’aurais voulu mourir avec lui, mais je fus obligé d’être témoin d’un aussi horrible spectacle.
« Je le vois toujours, et tant qu’il restera en moi une étincelle de vie, cette scène sera présente à ma mémoire.
« Je baisai en pleurant la jolie tête blonde de mon fils bien-aimé, on l’arracha de mes bras et on passa à son cou le nœud fatal ; je fermai les yeux afin de ne pas assister à son agonie. Mais qu’était-ce donc ! la corde s’abaissa tout à coup, mon fils respirait encore : je laissa échapper un cri de joie. Hélas ! ce n’était qu’un raffinement de cruauté.
« Le bourreau trancha la tête des infortunées victimes ; les corps, après avoir été mutilés par la soldatesque, furent jetés à la rivière ; je vis la belle et chère tête de mon fils clouée à un tronc d’arbre. »
Le vieillard s’arrêta, des larmes coulaient de ses yeux sur ses joues pâles ; William Pody frissonnait d’horreur.
« J’allais subir le même sort, heureux de rejoindre mon fils, quand soudain une voix forte s’écria :
« — Arrêtez !
« Je relevai la tête. Un officier anglais s’avança vers moi et dit aux soldats qui m’avaient saisi :
« — Rendez la liberté à cet homme, il m’a épargné la vie, je ne veux pas qu’il meure.
« En effet, quelques mois plus tôt je l’avais empêché d’être massacré par des insurgés.