Et le jeune homme termina sa phrase par un bruyant éclat de rire.
— Pauvres gens ! dit Colette qui était devenue sérieuse.
Ce rire insultant et cette pitié dédaigneuse firent bondir de rage le cœur de Tomy ; serrant son front à deux mains, il comprimait à grand-peine l’explosion de sa colère.
La jeune fille reprit :
— Il y a vingt ans, Jenney Podgey était une des plus jolies filles du pays ; quand elle épousa Willy, le plus beau garçon du district, qui lui eût dit qu’elle en arriverait où nous la voyons aujourd’hui.
— Eh bien ? reprit William.
— J’en tire cette conclusion qu’il vaut mieux ne pas se marier.
— Ce n’est plus la même chose, Colette, votre sort avec moi serait tout différent ; mon oncle m’a laissé une petite fortune qui, développée par mon travail et administrée par une bonne ménagère comme vous, nous assurera une large aisance ; noue n’enverrons pas nos meubles et nos habits chez le revendeur, continua-t-il avec son gros rire moqueur.
— Qui sait, fit Colette, on peut se ruiner !
— Si cela va ainsi, un riche lord même n’est pas sûr de sa fortune.
— Sans doute, William, l’avenir est plein de mystère.
— Ne plaisantez pas, Colette, ma proposition est sérieuse.
La fillette effeuillait en souriant des fleurs arrachées aux buissons, elle en jeta une poignée à son compagnon et s’enfuit en répétant un refrain populaire.
William la rejoignit et Tomy, abrité par la haie touffue, put continuer à entendre la voix moqueuse de Colette répondant aux reproches du jeune homme par les plus jolies roulades qui pussent s’échapper de son gosier.