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tait sa rigueur aux autres souffrances des pauvres habitants du pays. La neige, tombée depuis deux jours, couvrait la terre ; une brise âpre la fixait sur le sol en blocs glacés. La campagne était morne et désolée ; les sombres cottages, les troncs des arbres dépouillés tranchaient sur la nappe éblouissante de blancheur.

Colette, ramenant sur son visage le capuchon qui lui couvrait la tête, marchait très vite, sans se soucier du froid ; elle était fort émue et laissait échapper des paroles entrecoupées. Personne ne l’entendait, ni ne pouvait la voir, elle le croyait du moins.

Comme elle quittait sa chaumière quelqu’un s’était glissé dans le chemin qu’elle avait pris et la suivait à distance. Plusieurs fois la jeune fille se retourna, elle ne vit rien. En traversant les tourbières, il lui sembla saisir le bruit de pas non loin d’elle, mais ayant regardé de tous côtés, elle n’aperçut personne.

— C’est le gémissement du vent, murmura-t-elle.

Et elle continua sa marche précipitée.

Aussitôt l’homme surgit d’un massif de roseaux où il s’était un instant blotti et recommença à suivre la jeune fille.

Colette, étant en pleine campagne, se mit à courir aussi vite que le lui permettait le sol devenu glissant ; elle aperçut enfin la cabane de la vieille Jane, les premières ombres du soir commençaient à descendre sur la terre ; les jours sont très courts en cette saison, la jeune fille craignait d’être surprise par la nuit et que son père n’arrivât avant son retour. Elle courait donc de toutes ses forces, la sueur perlait à son front, sa respiration devenait sifflante, des bourdonnements agitaient sa tête, ses membres tremblaient, ses forces s’épuisaient. Jack qui se tenait sur le seuil de sa cabane, fit un geste d’étonnement en la voyant. La jeune fille agita les bras convulsivement en s’écriant : « Jack,