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PENSÉE FRANÇAISE

çaise une tournure d’esprit plutôt germanique ; mais quand, par la parole, par la plume, par l’action législative et administrative, ils travaillent à la diffusion du français, — du français par où ils se distinguent d’autres Belges à mentalité germanique, — ce n’est pas la pensée belge qu’ils servent, c’est la pensée française.

Ces vérités prud’hommesques, à la démonstration desquelles, dans tout autre pays que le nôtre, on rougirait de s’attarder, un homme dont nul ne contestera le sens profondément canadien, M. Henri Bourassa, en a tiré la conséquence nécessaire, qui est que notre race, anémiée dans sa pensée par un siècle et demi d’isolement, ne survivra intellectuellement qu’en se rapprochant du foyer de la culture, de l’esprit français. Au dernier congrès du Parler français, pendant que d’autres s’attardaient puérilement sur la nécessité de combattre l’anglicisme par la grammaire et le dictionnaire, M. Bourassa, allant, selon son habitude, au fond des choses, disait :

Le deuxième élément nécessaire à la conservation, c’est de l’alimenter sans cesse à la source d’où elle provient, à la seule source où elle puisse entretenir sa vitalité et sa pureté, c’est-à-dire en France.

Qu’on me permette de toucher en passant à la question souvent agitée — peut-être plus dans le milieu discret des maisons d’enseignement que dans le grand public — du danger que nous courrons pour notre foi et notre moralité à cause du dévergondage de la littérature contemporaine. À cette crainte, je ferai une première objection qui n’est pas philosophique je l’avoue, mais qui ne manque peut-être pas d’un certain bon sens ; c’est que si, par crainte du poison, on cesse de se nourrir, on meurt de faim, ce qui est une façon tout aussi sûre que l’autre d’aller au cimetière. Si nous laissons dépérir la langue faute de l’alimenter à sa véritable source, elle disparaîtra, et si la langue périt l’âme nationale périra, et si l’âme nationale périt, la foi périra également. (Appl.)