Page:Aubigné - Les Tragiques, éd. Read, 1872.djvu/90

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A Cæsar le chemin au lieu de ses germains.
Mais dessous les autels des idoles j’advise
Le visage meurtry de la captive Eglise,
Qui à sa delivrance (aux despens des hazards)
M’appelle, m’animant de ses trenchants regards.
Mes desirs sont des-ja volez outre la rive
Du Rubicon troublé ; que mon reste les suive
Par un chemin tout neuf, car je ne trouve pas
Qu’autre homme l’ait jamais escorché de ses pas.
Pour Mercures croisez, au lieu de Pyramides,
J’ay de jour le pilier, de nuict les feux pour guides.
Astres, secourez-moy ; ces chemins enlacez
Sont par l’antiquité des siecles effacez,
Si bien que l’herbe verde en ses sentiers accrüe
Est faicte une prairie espaisse, haute et drüe.
Là où estoient les feux des Prophetes plus vieux,
Je tends comme je puis le cordeau de mes yeux,
Puis je cours au matin, de ma jambe arrossée
J’esparpille à costé la premiere rosée,
Ne laissant après moy trace à mes successeurs
Que les reins tous ployez des inutiles fleurs,
Fleurs qui tombent si tost qu’un vray soleil les touche,
Ou que Dieu fenera par le vent de sa bouche.
Tout-puissant, tout-voyant, qui du haut des hauts cieux
Fends les cœurs plus serrez par l’esclair de tes yeux,
Qui fis tout, et conneus tout ce que tu fis estre :
Tout parfaict en ouvrant, tout parfait en connoisire,
De qui l’œil tout courant, et tout voyant aussy,
De qui le soing sans soing prend de tout le soucy,
De qui la main forma exemplaires et causes,
Qui preveus les effects dès le naistre des choses ;
Dieu, qui d’un style vif, comme il te plaist, escris